Fully, un plateau digne d'un Champion du Monde de KV

Mais quel chemin parcouru depuis 2000 lorsqu’un groupe de Fulliérains (1), une dizaine tout au plus, réunis pour le traditionnel entraînement du samedi matin, envisagèrent une course de montagne sur leur commune située dans le Bas-Valais à 6km de Martigny. Leur choix se porta très rapidement sur les vestiges d’une voie de funiculaire qui, heureux hasard, avoisinait les 1050m de dénivelée. Alors qu’ils n’avaient jamais entendu parler du concept de km vertical, ils furent les premiers à le finaliser en Suisse. Et ailleurs en Europe, l’heure était encore aux balbutiements, la France n’en recensant alors que deux : Val-d’Isère à compter de  1996 (2,9km) et la Crémaillère à partir de 1997 (5,4km).
Si l’édition princeps de 2001 rassembla en tout et pour tout 68 athlètes, le chiffre aura quasiment décuplé onze ans plus tard, 635 verticalrunners à l’unité près devant s’élancer de la Belle Usine ce samedi. De quoi enorgueillir les architectes de la manifestation rassemblés au sein du Team la Trace, escouade fulliéraine dévolue au ski-alpinisme où on retrouve les pionniers à l’origine de la manifestation en 2000 : Didier Ançay qui sera le président du Comité d’organisation de 2001 à 2009 ; son successeur Sébastien Nicollier, ex-entraîneur de la relève au Swiss Team de ski-alpinisme jusqu’en avril 2012 ; enfin, Justin Carron qui le jour J se métamorphose en tonitruant speaker posté à 50m de l’arrivée.
Déferlante humaine
Jamais le plateau en lice n’aura été aussi dense et relevé que cette année. Une double raison l’explique aisément : la réputation d’offrir le parcours le plus rapide au monde n’est plus à faire, les marques tombant chaque année les unes après les autres, que se soit au scratch ou par catégorie. En outre, cet événement intègre pour la première fois le prestigieux Championnat du Monde de Skyrunning® en étant la 4ème et avant-dernière manche du circuit de km vertical. Et dire que l’affluence pourrait être de plus belle qualité encore si les skieurs-alpinistes n’étaient pas accaparés par leur préparation hivernale.
Un tandem de choc
Parmi les têtes d’affiche, focalisons principalement notre attention sur les Français qui disposent de suffisamment d’atouts, tant chez les hommes que chez les femmes, pour pouvoir l’emporter.
Jusqu’à maintenant, seuls quatre d’entre eux avaient fait tomber dans leur escarcelle ce sommet planétaire du km vertical : Jean-Christophe Dupont en 2005 en 34’21 ; Pierre Chauvet en 2008 en 32’06, qui deux plus tard portera le record de France à 31’30, se classant alors 3ème ; Serge Garnier en 2009 en 32’14 ; enfin Laetitia Roux en 2009 en 37’55, devenant par la même occasion la détentrice du record mondial chez les filles.
Concernant la gent masculine, deux skieurs-alpinistes,  se détachent irrésistiblement : le Haut-Alpin Mathéo Jacquemoud (Teams Crazy et Scarpa), 22 ans et le Morzinois Alexis Sévennec (Team Crazy), 25 ans. Tous deux auront été époustouflants cette saison, accumulant les succès sur les km verticaux et autres montées sèches. Succès d’autant plus retentissants qu’ils auront été les auteurs de chronos inédits sur le sol hexagonal : 33’24 le 26 mai puis 33’10 le 12 septembre à chaque fois au Grand-Serre pour le premier ; 33’15 le 16 septembre à Nantaux pour le second.
Oui, mention à ces deux grands champions qui n’auront pas mégoté pour parvenir à leurs fins. Mathéo aura ainsi enchaîné parallèlement les prouesses en haute montagne, établissant en 1h55 le nouveau temps étalon de l’ascension de la Barre des Ecrins (4102m) depuis le refuge Cézanne (1874m) ! Les connaisseurs apprécieront… Quant à Alexis, son mérite est immense lorsqu’on sait qu’il a dû remiser ses baskets entre la mi-juillet et fin août à cause d’une tendinite au genou contractée dans les ultimes jours de juin.
D’inattendus montagnards…
Derrière ce formidable duel, on remarquera la présence du chevronné Pierre Chauvet (Team Socquet Sport Megève), 32 ans, fondeur accoutumé au parcours fulliérain (voir plus haut) mais qui n’a pas encore retrouvé son meilleur niveau d’il y a deux ans. Plus étonnante est la participation de trois grands noms de la course de montagne qui ne sont pas des spécialistes du km vertical.
En premier lieu, le Réunionnais Raymond Fontaine (Team Asics), 33 ans, dont le palmarès impose le respect (octuple champion de France). Déçu par ses prestations sur trail longue distance depuis 2011, il se contente désormais du format n’excédant pas la trentaine de km à l’instar de Sierre-Zinal qui l’a vu le 12 août dernier conquérir brillamment la 4ème place.
Ensuite, le Ligérien Emmanuel Meyssat, son camarade du Team Asics, 32 ans, lauréat du Trail Tour National (TTN) court 2011, dont la seule expérience en km vertical remonte à 2009 (2ème sur une Crémaillère rallongée pour pouvoir accueillir les France).
Quant au troisième larron, il est Basque, en l’occurrence Didier Zago (les Esclops d’Azun), 34 ans, vice-champion de France en titre de course en montagne après avoir été sacré l’an passé. A vrai dire, le seul des trois à être un peu rompu à ce type d’exercice, prenant en effet part cette saison aux Mondiaux de Skyrunning de km vertical où il occupe à l’heure actuelle la 6ème position.
Ces montagnards
Enfin, n’occultons pas le cycliste haut-alpin Serge Garnier, 46 ans, victorieux au scratch en 32’14 en 2009 en étant dépourvu de… bâtons ! Face à Urban Zemmer et autre Emmanuel Vaudan, il aura toutefois bien du mal à triompher cette fois-ci chez les quadras.
Des stars à profusion
A eux tous, leurs plus dangereux adversaires seront :
– Les Italiens avec : Manfred Reichegger, propriétaire à compter de 2011 du record mondial en 30’46. Marco De Gasperi, victorieux cette saison à Sierre-Zinal, qui découvrira Fully après avoir été détenteur du temps référence mondial en 31’42 à l’occasion du Km Vertical de Chiavenna 2009. Urban Zemmer, qui lui également étrennera Fully ; à son actif, figure le temps étalon du fameux Km Vertical des Dolomites, accompli en 2010 en 33’16. Denis Trento, 5ème à Fully 2011 (32’46).
– Les Suisses avec : Martin Anthamatten, 2ème à Fully 2010 (31’09) et 2011 (31’29), qui redevient affûté à la suite de sa victoire au Double Km Vertical de Chandolin devant Jacquemoud, le 29 septembre dernier. Emmanuel Vaudan qui connaît le moindre cm du parcours pour avoir touché le jackpot à quatre reprises (30’56 comme meilleure marque en 2010). César Costa, de souche portugaise, 2ème à Sierre-Zinal mais néophyte dans cette discipline.
– Le Slovène Nejc Kuhar, qui cette saison aura réussi le tour de force de dominer à la fois Kilian Jornet (sur la Diagonale des Fous ce week-end), et ce prodige qu’est le Colombien Saul Padua Rodriguez sur le Km Vertical des Dolomites

Trois filles pour un fauteuil
Chez les filles, les chances de victoire française reposent sur la Rochoise Christel Dewalle (en photo – Team Sport 2000 Pays Rochois), 29 ans, et l’Annécienne Axelle Mollaret (Club Alpin Français d’Annecy), 20 ans, absolument phénoménales en cette année 2012. A ce jour, ce sont les seules à être descendues sous les 40’ sur le sol français : 39’51 pour la première à l’occasion des Championnats de France de Skyrunning à Manigod, le 11 juillet ; 39’30 pour la seconde à Nantaux, le 16 septembre.
Après avoir hésité à accourir afin de couper deux semaines en octobre dans l’optique de son âpre saison de « peaux », Axelle a franchi in fine le Rubicond. Dès lors, vu son tempérament de feu, elle viendra dans le but de grimper sur le podium. Reste à savoir quelle marche.
Avantage néanmoins à Christel dont la seconde place derrière sa rivale à Nantaux, due sans doute à son éprouvante CCC 15 jours plus tôt, ne remet nullement en cause son leadership sur cette discipline. Un leadership entamé seulement l’an dernier (5ème à Fully en 40’09) et qui s’est considérablement accru cette saison, à tel point qu’une nouvelle perle à son collier demain ne surprendrait personne. Le 6 octobre dernier, elle a été de nouveau éblouissante sur la Môlinette (ascension du Môle sur 4,5km pour 700md+), s’appropriant sans autre forme de procès la 3ème place au général en 31’07, et ainsi se rasséréner après sa déception survenue à Nantaux.
Selon cet illustre connaisseur qu’est le Favergien Jean-Louis Bal, elle a la capacité, avec la Vaudoise Maude Mathys, de descendre sous les 37’, pulvérisant ainsi le record de Laetitia Roux. Maude Mathys justement qui après avoir été couronnée en 2011 en 38’24 s’est préparée intensément pour cette échéance. La preuve, la nouvelle recordwoman du Marathon du Mont-Blanc aura cessé toute compétition après un autre 42km, celui de la Jungfrau intervenu le 8 septembre où elle termina 5ème. Ca promet !
Céline Lafaye, invitée surprise…
Attention encore à la fondeuse barcelonaise Laura Orgué Vila qui, sauf accident, empochera le titre de championne du Monde de Skyrunning de km vertical 2012.
Attention aussi à la coureuse de montagne et traileuse courte distance Céline Lafaye (Team Scott-Odlo-Les Saisies), 30 ans, lauréate du TTN court en 2010-2011. Bien que profane dans ce type d’épreuve, la Favergienne avait tout de même réalisé l’an passé à Manigod l’excellent chrono de 42’40. Dès lors, elle pourrait bien s’abaisser sous le seuil des 40’.
Enfin, n’ostracisons pas :
– Les Valdôtaines Enrica Perico, coureuse de montagne, fondeuse et triathlète des neiges, seconde en 39’08 en 2011, et Gloriana Pellissier, figurant en bonne place dans le panthéon du ski-alpinisme, 3ème en 39’59, toujours en 2011.
– L’une des étoiles du Swiss Team de ski-alpinisme (avec Maude Mathys) en la personne de la Haut-Valaisanne Victoria Kreuser, fille de l’ancien titulaire de l’équipe helvète de ski nordique, Hansueli Kreuzer, dauphine en 2010 en 40’45.
Pour conclure, à l’exception notable de Christel Dewalle qui ne quitte pas ses baskets de l’année, on risque bien d’assister de nouveau à la mainmise des skieurs-alpinistes sur ce type de km vertical à la distance météorique (1,920km). Jean-Louis Bal ne dit pas autre chose : « Sur 2km, on est davantage sur des qualités d’endurance de force, de technique de poussée des bâtons, le tout avec un poids de corps le plus faible possible, autant de vertus qui sont celles des skieurs-alpinistes. En revanche, sur des longueurs plus conséquentes, 4km au moins, on est encore sur une biomécanique de coureur à pied, éventuellement sans bâtons, qui fonctionne sur la base du renvoi élastique des chaînes musculaires. »
François Vanlaton
(1)   Nom des habitants de Fully.

mars, 2024

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