Rhone O’ – Des effets du Beaujolais chez les Orienteurs…

A l’heure où certains grands trails affichent fièrement 10 ou 20 ans d’ancienneté, les Orienteurs de tout le département 69 organisaient le dernier week-end de novembre leur 17ème Rhône Orientation ! Et, en observant l’affluence record de cette édition et le sourire des concurrents, ça n’est pas prêt de s’arrêter !

Pourtant, il fallait oser, en 1998, lancer une Rando-Orientation fin novembre, dans les sombres collines du Beaujolais. C’est grâce à l’enthousiasme et à la passion qui animent depuis toujours son créateur Christian, que tous les Orienteurs du département se mobilisent tout au long de l’année pour préparer cette recette atypique, mélange de Trail et de Rando, mais pimentée de cette chasse à la balise qui n’était pas encore si populaire à cette époque.

Mais pourquoi plus de 1000 concurrents se pressent-ils ainsi chaque année pour aller mouiller leurs chaussettes dans la boue et se perdre dans les bois à une période où on risque plus de voir de la neige que de prendre des coups de soleil et dans des collines qui sembleraient presque fades quand les montagnes enneigées ne sont pas si éloignées? La réponse ne tient pas en une seule ligne, et c’est tout ce qui fait le charme de cette Rhône Orientation, qui a inspiré depuis beaucoup d’autres organisateurs de ce qu’on appelle désormais des Randos Orientation.

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Dans la bouche des coureurs, ce qui revient le plus souvent, c’est la surprise qu’ils ont en découvrant les terrains si particuliers du Beaujolais. Peu de coureurs avaient eu l’occasion de s’aventurer dans le Haut Beaujolais avant la naissance de la Rhône Orientation. Et beaucoup en reviennent conquis : la végétation est variée et prend des couleurs automnales que même la météo de novembre n’arrive pas à ternir. Le relief pour le moins brutal et insoupçonné de la région régale les cuissots des plus solides chasseurs de balises ou des traileurs les plus aguerris, et surprend les randonneurs qui s’enthousiasment légitimement de l’effort qu’ils ont su surmonter pour terminer leur parcours. Qu’ils se soient perdus dans les vignes ou sur les sommets à plus de 1000 mètres, les participants qui ne connaissaient pas le nord du département rentrent toujours avec des commentaires élogieux, et étonnés sur cette région encore peu connue des amateurs de plein-air. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si de nombreux trails sont nés depuis dans le Haut-Beaujolais.

Dans la bouche des orienteurs, la qualité des tracés proposés est à chaque fois le sujet d’intenses conversations d’après courses dans le gymnase surchauffé. Et, malgré la difficulté liée à la très grande surface de terrain à cartographier chaque année, son relief tourmenté et ses labyrinthes de vignes, la qualité de la carte a su s’adapter aux exigences grandissantes des orienteurs, sans rebuter les randonneurs venus simplement s’initier à l’orientation.

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Pour les champions, plutôt habitués à des démarrages de course en contre la montre et des courses en solitaire, le départ en masse est inhabituel et engendre un rythme de course endiablé où il faut essayer de garder un peu le contact avec la tête de course pour avoir une chance de rester dans les premiers. L’attrait inhabituel de la course réside alors dans la difficulté à ne pas se laisser entraîner et perturber par les autres coureurs, au risque de se trouver perdu pour de bon. Et la longueur inhabituelle des parcours joue parfois des tours aux plus entraînés lorsqu’ils n’arrivent plus à suivre le rythme endiablé des coureurs de tête.

Dans la bouche des randonneurs, c’est la découverte de l’orientation et l’ambiance bon-enfant qui règne chaque année sur cette épreuve qui les motive très souvent à venir et revenir… sans oublier sa traditionnelle soupe qui attend tous les coureurs pour les réchauffer au retour. Beaucoup n’ont jamais tenu une carte d’orientation entre les mains et découvrent la boussole avec autant d’amusement que d’inquiétude. C’est d’ailleurs toujours amusant de voir les randonneurs s’agglutiner sur le stand d’initiation à l’orientation à quelques minutes du départ… et de retrouver les mêmes sur la ligne d’arrivée quelques heures après, avec un grand sourire, et bien souvent en famille,.

Une des excellentes idées de cette Rhône’O fut de proposer chaque année un site de course différent. Et si cette contrainte n’est pas toujours très facile à gérer pour les organisateurs, elle permet aux coureurs et randonneurs de découvrir chaque année une nouvelle zone de cette région surprenante ; et de jouer avec de nouvelles cartes chaque année. Et quel que soit le niveau des coureurs, qu’ils se poursuivent à vue dans les labyrinthes de vignes, qu’ils s’agrippent aux herbes pour ressortir des ravines glissantes ou qu’ils freinent comme ils peuvent dans les flancs humides, tout le monde y trouve son plaisir, quelles que soient les surprises de la météo. Certaines Rhône’O se sont déjà déroulées dans la neige fraîche du matin, d’autres sous des trombes d’eau ou sous un soleil presque printanier.

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Comme chaque année, une fois toutes les démarches officielles bouclées avec la Mairie du village choisi, les repérages pour la cartographie au dessus de Létra se sont fait de nombreux mois à l’avance, de manière à pouvoir fournir aux traceurs une carte suffisamment précise pour élaborer les 8 circuits différents. La deuxième étape consiste ensuite à aller vérifier sur le terrain si les éléments cartographiés peuvent servir d’élément suffisamment visible pour y poser une balise. Il faudra ensuite poser les étiquettes de prébalisage qui serviront à guider les poseurs de balises la veille de la course. En général, pour la Rhône Orientation, les 1 et 11 novembre servent de journées de test des différents parcours. Enfin, le samedi, veille de l’épreuve, une petite armée de poseurs va se perdre dans les bois pour y poser toutes les balises de la course du dimanche. Et ces balises seront vérifiées le dimanche matin, à la lueur des lampes frontales, avant de lâcher les coureurs dans la nature…

Mais tout ce travail de cartographie et de traçage ne serait rien sans tout le labeur de la centaine de bénévoles qui fourmillent le jour de la course et les jours qui précédent,  notamment pour préparer la traditionnelle soupe qui a déjà réchauffé des milliers d’orienteurs depuis 1998.

La Rhône Orientation a toujours été un grand rendez-vous de randonneurs, mais aussi d’orienteurs de très haut niveau qui terminent ainsi la saison, à une période où les compétitions traditionnelles s’effacent sous le froid et la neige. On a même pu déjà y voir des Champions du Monde, comme Thierry Gueorgiou ou François Gonon. Mais c’est un événement qui attire aussi les raideurs les plus costauds depuis le début, car son format « longue distance » en fait un entraînement parfait.

Cette 17e édition n’a pas dérogé à la règle, puisqu’on y retrouvait de nombreux raideurs venus chasser la balise avant d’aller jouer dans les premières neiges, les meilleurs orienteurs régionaux, et les traditionnels coureurs présents depuis le début, comme les frères Perrin ou Sébastien Sxay qui montaient sur les podiums dès les premières éditions… et qui montent toujours sur les podiums, accompagnés de leur progéniture qui s’attaque déjà aux podiums des parcours juniors !

Cette année, Létra,  le petit village de départ, a connu une affluence encore plus impressionnante qu’en 2007, lorsqu’une première Rhône Orientation y avait été organisée. Il faut dire que le record d’inscrits a été battu, avec près de 1350 coureurs, répartis sur les 8 parcours, certains avec leur tenue d’orienteurs expérimentés  d’autres en short et T-shirt malgré la température automnale, et beaucoup en tenue de randonneurs du dimanche, venus découvrir avec amusement les joies de l’orientation.

Pour l’édition 2014, les passages dans les vignes n’étaient pas très nombreux, mais les reliefs accidentés des forêts du Beaujolais ont encore surpris et éprouvé les coureurs : même quand on s’y est déjà frotté, on est toujours impressionné par ces profondes ravines et ces flancs abruptes qu’on imaginerait plus dans les zones montagneuses des Alpes.

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La course fut très animée sur le parcours A, le plus long et le plus technique (17 km théoriques, 1200m+ et 30 balises), bouclé en 2h47 par les deux premiers, Mickael Blanchard et Clément Valla  séparés de seulement 4 secondes à l’arrivée. Pour les traileurs ou les coureurs sur route, ces temps peuvent paraître pitoyables… mais ne vous y trompez pas, ces gaillards là ne laisseraient pas beaucoup de chance aux meilleurs sur un trail d’une durée similaire. Les chronos de course d’orientation sont toujours trompeurs, tant les terrains pratiqués peuvent être redoutables, par leur relief, par la végétation à traverser, ou même tout simplement par le temps nécessaire pour dévier volontairement de la ligne droite théorique afin d’atteindre le plus rapidement et le plus simplement possible la balise suivante ; sans parler du temps nécessaire pour débusquer les 30 balises du parcours et les nombreuses erreurs d’orientation possibles…

Sur le parcours B, toujours aussi technique, mais un peu plus accessible physiquement (14 km théoriques, 1000m+ et 20 balises), on a retrouvé les deux frères Perrin, Eric et Gilles, grands animateurs des parcours A de la Rhône Orientation depuis le début, et qui se sont amusés à jouer au chat et à la souris dans les bois du Beaujolais comme au bon vieux temps, pour terminer en 2h23, avec seulement une secondes d’écart… L’histoire ne dit pas si cet écart minime traduit une marque de politesse entre les deux frères ou si ils ont sprinté jusqu’au dernier mètre.

Chez les féminines, c’est le parcours B qui sert de circuit de référence. Et les performances sont tout aussi impressionnantes  C’est Gaëlle Barlet qui s’adjugera la victoire, et là encore, pour seulement 7 petites secondes d’écart avec Séverine Bovero, qui se sont jouées dans les toutes dernières balises.

Mais ces résultats impressionnants ne doivent pas faire oublier tous les autres coureurs, traileurs, orienteurs, champions ou promeneurs du dimanche, qui viennent chaque année braver les reliefs surprenants du Beaujolais et les caprices de la météo de cette fin novembre, toujours avec la même bonne humeur et le même sourire… Quelle meilleure récompense peut-on imaginer pour la centaine de bénévoles qui fait vivre cette épreuve atypique depuis déjà 16 ans ? ! On pourrait presque en déduire que cette Rhône Orientation est une épreuve parfaite ! Mais ce serait certainement exagéré… et ce ne sont pas ceux qui ont essayé en vain d’entendre les noms lors de la remis des prix qui nous contrediront…

Pascal Lillaz

mars, 2024

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