Trail du Bélier – Camboulive et Lafaye sur une autre planète

Faisant irruption en 1986 dans la mythique station haut-savoyarde de la Clusaz, le Bélier est sans aucun doute l’une des manifestations pionnières de la course nature hexagonale même si la profusion de ravitaillements viole la sacro-sainte règle de la semi-autonomie du trail. Fait rarissime dans cette discipline, son tracé long de 27km pour 1000m de dénivelée positive et autant en négatif n’a depuis subi aucune fluctuation.
Autre caractère immuable de ce « classico », son formidable succès populaire. Dimanche, le 31ème millésime aura encore drainé la foule des grands jours, pas moins de 675 trailers et 1325 randonneurs ralliant la place de l’église, entame des hostilités. Les clefs de cette insolente réussite ? Un parcours abordable, y compris pour le néophyte, malgré la technicité de la dégringolade finale ; un site enchanteur mariant alpages, pessières et lac, avec fréquemment en ligne de mire cette saisissante citadelle calcaire que sont les Aravis ; enfin de magnifiques prestations rendues possibles par l’investissement de toutes les forces vives de la Clusaz, parvenant ainsi à mobiliser le chiffre exceptionnel de quelques 200 bénévoles.

Or, les vents contraires n’auront pas manqué sur les dernières éditions, le plus violent étant l’encombrement du calendrier hors stade jalonné entre autres par l’avènement du pantagruélique UTMB qui aura irrémédiablement chassé le Bélier des feux de l’actualité. Une véritable injustice au regard de l’impressionnante qualité du peloton que fréquentent régulièrement les élites de la course de montagne et du trail courte distance, peloton qui n’a donc rien à envier aux hardes chamoniardes.

A l’image du cru 2011 qui aura été dominé chez les hommes par deux prestigieux représentants de la Perfide Albion. Pour la seconde année consécutive, le gros lot est en effet revenu à Billy Burns, 42 ans, qui a quitté son île pour établir ses quartiers à proximité de Sion, capitale du Valais, où son étoile n’a jamais cessé de scintiller (16ème encore à Sierre-Zinal le 14 août dernier après l’avoir emporté en 2000).

Contrairement à l’an passé où son odyssée avait écoeuré la concurrence, distançant de neuf minutes son dauphin, l’Helvète de cœur aura cette fois-ci dû se faire violence pour s’extirper de la nasse tendue par ses opposants. Au premier rang duquel émergeaient son compatriote Rob Baker, de neuf ans son cadet et coureur d’orientation en provenance du Yorkshire, le Mégevan Jérémie Gachet, 32 ans, l’Eviannais Alain Gillet, 30 ans et le Rémois Christophe Assailly, 40 ans.

Après s’être fourvoyé au km14 alors qu’il faisait course en tête, perdant par la même occasion la proue au profit de Baker, Burns devra attendre l’ultime rampe conduisant au Plateau de Beauregard (km 23) pour s’envoler définitivement. Avec cependant un chrono très éloigné de celui de 2010, à rebours de plus de cinq minutes (1h54’41’’), et reléguant à un peu plus de cinquante secondes seulement Baker qui préservait d’extrême justesse sa seconde place menacée par Gachet, revenu de façon insensée du diable vauvert.

Mais c’est bien chez la gent féminine que cette édition marquera à jamais les esprits. Cette course dans la course qu’aura été le duel Aline Camboulives, 38 ans – Céline Lafaye, 30 ans, ouvre l’une des plus belles pages dans la légende de ce Bélier qui pourtant n’en a jamais été sevré.
Si les deux gazelles ont fait passer de vie à trépas, de plus de deux minutes, le record de la Russe Véra Soukhova remontant à 2004 (2h11’36’’), c’est bien sûr à leur prodigieux talent qu’elles le doivent en premier lieu. Ensuite, à leur renaissance après une année en demi-teinte. Même si leur impitoyable rivalité, frontale, sans concessions, sans trêve, émaillé d’intenses chassés-croisés, leur aura incontestablement facilité la tâche, ménageant ainsi le plus sensationnel des scénarios hitchcockiens. En quelque sorte, la réédition du fameux épisode intervenu quinze jours en arrière à Sierre-Zinal où Aline, 2ème, avait coiffé sur le fil Céline, 3ème.

D’emblée, Camboulives (Team Sport 2000 Pays Rochois), ex-cycliste semi-professionnelle, tentait de dynamiter le cartel des prétendantes au sacre ayant pour noms, outre Lafaye (Team Asics), la Beaufortaine Stéphanie Duc (Team Inov-8), 35 ans, rayonnante comme jamais, et la prometteuse Céline Jeannier (Union Olympique Albertville Tarentaise), 32 ans, une des révélations cette année en course de montagne.
Si Camboulives, 3ème aux France de Tardets, s’échappait irrésistiblement quand la pente se redressait, la double championne de France du TTN Court 2010 – 2011 comblait son retard dans les portions descendantes hyper-techniques où son agilité et sa vélocité faisaient merveille.
L’épilogue allait être phénoménal. A 800m du but, la protégée de Jean-Louis Bal à l’Espérance Favergienne précédait Camboulives de 30 mètres. Hélas, elle assistait impuissante à l’inexorable fonte de sa famélique avance pour se faire griller la politesse à 200m de la ligne salvatrice. En redoutable marathonienne qu’elle est (2h37’19’’ à Paris 2008), Camboulives avait fait la différence sur l’asphalte, empêchant Lafaye de glaner un 6ème titre à la Clusaz. Neuf secondes les séparaient, la lauréate pointant en 2h09’22’’.
Quant à la troisième marche du podium, elle échut à Stéphanie Duc, surgissant toutefois à plus de neuf minutes de l’infernal binôme. C’est dire le très haut niveau de cette équipée sauvage.

François Vanlaton – Photos Jean Louis Bal

mars, 2024

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