UTMB – Un « Thévenard » peut en cacher un autre

Le lynx et le chamois… Non, ce n’est pas une fable de La Fontaine. C’est une histoire de frères, les Thévenard : Jean-Marie (le lynx) et Xavier (le chamois). Ils seront, tous les deux, au départ de l’UTMB, ce soir à 18 h. Pour le premier, ce sera une découverte. Pour le second, une course où il cherchera une couronne pour être le seul Roi de Chamonix. Reste à attendre qu’elle sera la morale de cette histoire.

Jean-Marie Thévenard (28 ans) est le plus jeune frère de Xavier. Comme lui, c’est un skieur de fond et un coureur à pied depuis « tout le temps, finalement », dit-il. Les deux hommes sont très proches et l’un ne va pas souvent sans l’autre… Le benjamin des Thévenard sait courir. Sur la Hardrock 2016, il était le « pacer » de Xavier, et l’an passé, le dernier garçon de Laurent et Monique s’est classé 8e de la Swiss Peak (360 km, +25 000) en 101 h ! « Il fallait bien finir », lâche le « JM », comme le surnomme affectueusement le « Xav », ou encore le « Frangin ». Bref, les deux font la paire. Et pas seulement en ski… Cette année, ils ont pris ensemble le départ du 90 km du Mont-Blanc. Si le « Chamois » s’est imposé pour la seconde fois sur l’ultra skyrunning (+6200 m) du circuit français, le « Lynx » a terminé sixième en 12 h ! Ecrire, maintenant, que « JM » pourrait challenger « Xav » sur l’UTMB serait déplacé. D’ailleurs, à mesure que l’Heure H se rapproche, Jean-Marie se compare plus à un aventurier qu’à un ultra-trailer, résumant déjà son effort dans un « ça va faire mal ».

 

Des débuts avec François D’Haene

Les débuts en trail de Jean-Marie datent de 2011. S’il se souvient de l’année, il ne se rappelle plus de sa place. Par contre, le nom du vainqueur est ancré dans sa mémoire : François D’Haene, triple vainqueur de l’UTMB avec Kilian Jornet et Xavier Thévenard. Contrairement à ces coureurs, Jean-Marie ne va pas représenter un team ou une marque. Ce sera son association : «  Les Costhauts, présente-t-il. Une bande de copains et de copines du Haut Doubs. David Brulport et Louis Malfroy font d’ailleurs la CCC, cette année. » Les autres membres font l’assistance. Pour Jean-Marie, vainqueur cette année du Chamois du Jura Swiss Trail (55 km, +3000), ce sera son père, Laurent et Lucile, une amie.

« On sait que l’on va droit dans le mur, mais on y va quand même… »

Compte-tenu de ses performances en 2018 et 2019, Jean-Marie va courir avec le dossard 80 et aura accès au sas 2 élite. Pour autant, il annonce humblement : « Je n’ai aucune ambition particulière. Ce serait trop prétentieux. Et puis, je n’ai pas trop d’expérience en ultra. Il est donc difficile de se mettre un objectif, surtout par rapport aux autres. Les gars qui sont devant sont des morts de faim. Cela m’attire quand même, car j’ai le goût de l’aventure… On sait que l’on va droit dans le mur, mais on y va quand même. A un moment donné, je sais que cela va tirer un peu. Ce n’est pas possible que tout aille bien, du début jusqu’à la fin. Il y a tellement de facteurs et face à toutes ces incertitudes, il faut savoir gérer. »

« Xavier est une force tranquille… »

Dans ce contexte, Xavier, ce n’est pas seulement son frère, c’est un exemple. « Dans le sport, c’est une force tranquille, humble et simple. Dans une course, il m’impressionne tout le temps. Dans sa façon d’être, sa décontraction. Dans un temps de merdier, il est dans son truc et il arrive à s’en sortir. Il a un mental, et pour rien au monde, il lâcherait. C’est une machine. Une machine humaine. Et je suis content de le voir trouver du plaisir dans ce qu’il fait. » Une image qui n’est cependant pas si éloignée des souvenirs d’enfance… « Xavier est la personne avec qui j’ai passé le plus de temps. Crapahuter dehors, parce que l’on était dans la pampa et qu’il n’y avait rien d’autres à faire, aux Plans d’Hotonnes, où l’on vivait. On se promenait dans les lapiaz, des petites grottes naturelles creusées dans le calcaire du Jura. On faisait des cabanes, on allait aux vipères, et on jouait à la guerre sans se mettre dessus. Pour moi, Xavier a toujours été un aventurier. Il allait à droite, à gauche. Sans pour autant faire des kilomètres, juste en sortant de la maison. J’ai le souvenir des vidéos que filmaient le grand-père ou la grand-mère. Cela me perçait l’œil. D’un coup on voyait Xavier et après, on le voyait plus. Il était déjà parti et je lui courais après… Il n’avait pas besoin de temps pour disparaitre. »

« Je me dis juste : je vais partir pour faire le Tour du Blanc… »

Forcément, Jean-Marie a demandé des conseils à Xavier afin de faire ce premier tour du Mont-Blanc , versant UTMB, dans de bonnes conditions. « Il m’a donné quelques billes, surtout au niveau de l’alimentation. Depuis le printemps, je fais un peu attention à ce que je mange. Pour l’entraînement, j’ai commencé à courir un peu plus tôt, cette année, au début du printemps. Je me suis préparé tout seul, à la sensation. A partir de juin, j’ai commencé à faire des semaines entre 15 h et 20 h et le 90 km du Mont-Blanc a validé le début de ma préparation. Contrairement aux années précédentes, j’ai fait attention à l’alimentation et à la récupération. Bon, je n’ai pas tout révolutionné, juste fait ce qu’il fallait sur des choses qui peuvent faire la différence sur un trail long. Malgré cette préparation, mon expérience sur la Swiss Peak (360 km, +25 000 m, en 101 h) et sur le 90 km du Mont-Blanc (+6200 m en 12 h), je vais partir dans l’inconnu… J’aime bien. C’est pour cela que je ne fais pas la reconnaissance de la course. Je vais découvrir au fur et à mesure. C’est pour cela que j’aime courir à la sensation. D’ailleurs, lorsque l’on me parle de l’UTMB, je me dis juste : je vais partir pour faire le Tour du Blanc. »

 

 

« J’aime bien aller au lynx dans la nature… »

Xavier va partir avec le même objectif, mais certainement avec une autre ambition : remporter une quatrième fois l’UTMB. Un quatrième succès qui couronnerait le Petit Prince du Mont-Blanc en Roi de Chamonix. « Mon frère est aussi un coureur à la sensation, confie Jean-Marie. Pourtant, c’est quelqu’un d’un peu raisonnable. Il ne cherche pas à tenter des trucs qui lui semblent impossible. Il sait gérer tout ce qui passe. Il ne se laisse envahir par tel ou tel truc. Il est bien dans bulle… » Celle de Jean-Marie a parfois des parfums de perle de rosée, lorsqu’il va relever ses pièges photos en courant. « J’aime bien aller au lynx dans la nature, révèle ce passionné de photo animalière. Je ne suis pas un grand photographe, mais j’aime passer du temps à observer. Non pas en restant sur place et à attendre, mais en me déplaçant pour relever ou poser mes appareils photos. »

« J’espère qu’il ne se fera pas bouffer par les autres… »

Ses connaissances dans la faune du Jura lui donnent le droit de se comparer à un animal. « Le lynx, car c’est une bête que j’affectionne. » Et le « Xav » ? Après un temps de réflexion, Jean-Marie répond : « Un chamois ». Et d’ajouter en riant : « Mais je ne vais pas manger… Et j’espère qu’il ne se fera pas bouffer par les autres… Un chamois, ça passe partout. C’est agile, ça monte et ça descend. Un petit côté naïf, comme le Xav. Pour Xavier, c’est dans le sens où il est, parfois, trop gentil et il y a des choses qui peuvent lui échapper et une tendance à se laisser marcher sur les pieds. Mais c’est un défaut de famille. Je le suis aussi. Xavier pourrait aussi être un lynx, car c’est un homme patient. Comme l’animal. En fait, il pourrait être un croisement entre un lynx et un chamois. Mais cela n’existe pas dans la nature… »

Lynx ou chamois… Jean-Marie ou Xavier… Qu’importe, dans la Famille Thévenard, je demande les Frères qui courent… Au pluriel. Car au singulier, ils ne font qu’un. A défaut d’être une fable, ce sera, peut-être, la morale de cette histoire…

 

Par Bruno POIRIER – Photos TransOrganisation et Pascal Tournaire / UTMB

mars, 2024

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