Analyse – Comment expliquer le début de saison tonitruant des Français(es) ?

La saison trail 2023 a tout juste commencé, mais il semblerait déjà que les athlètes français soient présents et de belle manière sur la scène internationale ! Que ce soit à l’Istria (course event de l’UTMB world series) ou au MIUT, les performances des Frenchies étaient bien au RDV. Qu’est ce qui explique un tel niveau en tout début d’année, et surtout comment ces coureurs peuvent planifier leur saison pour rester en forme ?

Par Fiona Porte

C’est au milieu du mois d’Avril, en Croatie qu’avait lieu Istria 100 by UTMB. Cette course qualificative pour la finale des UTMB World Series a eu un véritable succès avec des coureurs de toutes nationalités. Au terme de ce gros week-end, ce sont pas moins de cinq Français qui montent sur les podiums des différentes courses. Parmi eux, on retrouve sur le grand parcours Arthur Joyeux Bouillon, 2ème de la grande course. Sur le 100km ce sont Théo Le Boudec et Sarah Vieuille qui l’emportent. Blandine L’Hirondel sur le 59kms, écrase la course féminine (28mn d’avance sur Fabiola Conti) et termine 4ème au scratch ! Audrey Tanguy quant à elle termine 2ème du format marathon à quelques à 3′ de la gagne…

Une semaine plus tard, à Madère sur le MIUT, trois Français terminent parmi les 4 premiers : Alban Berson 4e, Benoît Girondel 2e et le victorieux Lambert Santelli. Chez les filles, Manon Bohard semblait facile et prenait la tête du classement féminin avec 50mn d’avance sur Lueza Buelher sa poursuivante. Sur le 85 km, Thibault Garrivier lui aussi dominait largement la course avec presque 1h d’avance sur le deuxième, Anthony Costa, Français lui aussi. On retient aussi les belles prestations de Lucie Bidault (1ère du 60km) et Dylan Ribeiro (2e du marathon). A noter également la deuxième place d’Arnaud Bonin sur le 50K de la Desert Rats by UTMB il y a quelques semaines, à un peu moins de 4minutes seulement de l’Américain Brian Whitfield.

Des performances de début de saison prometteuses 

Sur l’Istria 100k, Théo Le Boudec, gagne après une course en gestion. Le coureur Costarmoricain, âgé de 23 ans seulement, s’annonce prometteur sur les longues distances après avoir remporté l’Endurance Trail en Octobre dernier. Son “passé” sur route parle aussi pour lui, avec des records à 6h35 sur 100km tapis, 32’30 sur 10km, 2h40 marathon ou 1h11 sur semi. « Mon premier gros objectif était de monter sur la boîte à Istria. Dit comme ça, cela peut paraître un peu ambitieux. Mais j’étais tellement satisfait de ma préparation que je savais que j’avais les cartes pour réussir une belle course. Cette victoire en terre Croate m’ouvre donc les portes vers mon rêve le plus fou de ma jeune carrière : participer à l’UTMB, afin de découvrir un peu plus le monde de l’ultra. »

Arthur Joyeux-Bouillon
Arthur Joyeux Bouillon

A la quête de la qualification pour la grande finale des UTMB World Series, on retrouve aussi Arthur Joyeux Bouillon. « Je me fixe 2 objectifs principaux par saison, 2 objectifs secondaires et 2-3 courses de cœur comme le trail de La Rosière mi Juillet. Istria était mon premier objectif principal. J’ai donc planifié une course de préparation fin février aux Canaries, la Transgrancanaria. Ça m’a permis d’accumuler du volume et d’arriver en Croatie confiant, avec déjà un effort de presque 15h dans les jambes. L’ambition était double en Croatie. Aller chercher mes limites quitte à ne pas terminer la course et aller chercher un top 3 pour décrocher ma qualification pour l’UTMB 2023. Mentalement c’était donc délicat, je voulais terminer détruit, quitte à ne pas voir l’arrivée, mais aussi gérer pour assurer ma place sur le podium. Je suis extrêmement satisfait car j’ai réussi à atteindre ces deux objectifs avec une fin de course extrêmement difficile. J’ai passé un cap qui va me permettre d’aller explorer de nouvelles choses dans le domaine de la performance en ultra endurance. »

Sur le MIUT 115, Manon Bohard profitait de ses vacances familiales et de la course pour peaufiner sa nutrition, travailler son mental et faire quelques « réglages ». « J’étais littéralement morte de stress avant les championnats de France avec toujours un hiver à ne pas savoir où j’en étais, à créer beaucoup de fatigue avec le boulot, les entraînements, les déplacements, les projets en parallèle,…ce rythme je l’adore, mais quelque fois, il est vrai que je me laisse complètement dépasser. On avait beaucoup mis l’accent sur le travail de vitesse cet hiver, j’ai passé moins de temps sur les skis car je voulais faire un bon championnat de France (NDLR Manon termine 2ème sur le format long). Je vois maintenant objectivement que la forme est là, l’envie aussi, et que je sais pourquoi je fais les choses, donc tout est bien clair pour moi pour la suite…je me sens engagée à 100% et moi je marche comme ça : au projet, avec du sens, et surtout au plaisir! Il faut encore que je gagne en confiance, c’est certain, mais j’ai encore bien progressé sur le plan de la vitesse et physiquement donc c’est très motivant pour la suite. J’ai profité de cet événement pour faire des tests sur l’aspect nutritionnel qui me fait parfois défaut »

Des stratégies hivernales gagnantes ?

Les stratégies sur la préparation adoptées par ces coureurs sont relativement proches : profiter de l’hiver où les trails se font rares pour faire un vrai travail de qualité et acquérir de la vitesse.

Blandine L’Hirondel, qui dominait largement le 69km d’Istria cinq semaines après sa 3ème place aux championnats de France de cross, profitait de ce format avec peu de dénivelé pour rallonger les distances en profitant de sa base de vitesse  : « les France de cross marquaient la fin de ma saison hivernale où on a l’habitude avec le coach de travailler sur la vitesse. Après cela, l’objectif était de commencer une vraie préparation trail. Istria était une bonne transition car c’est un parcours très roulant, j’ai donc pu profiter pleinement de ma vitesse acquise suite à la préparation hivernale ».

Blandine L'Hirondel
Blandine L’Hirondel

« Mettre un peu plus de côté le ski ». Le Savoyard Arthur Joyeux bouillon a fait le choix de changer ses habitudes hivernales et faire plus de kilomètres à pied : « C’est vrai que dans les Alpes, et en Savoie, on passe des hivers assez longs. Quasiment tous les athlètes de trail-running qui vivent dans la région sont sur les skis de novembre à mars, donc pendant 5 mois. C’est mon cas et j’adore ça ! Mais cet hiver, j’ai décidé de mettre un peu plus de côté le ski pour faire beaucoup plus de kilomètres et de dénivelé en trail. J’ai aussi axé ma préparation sur des séances plus roulantes pour travailler ma vitesse. Je suis donc arrivé en Croatie avec un bon volume dans les jambes. »

Pour Théo, « le plus important était de bien digérer l’Endurance trail. J’ai donc terminé 2022 en « roues libre » sans mettre d’objectif, juste courir pour le plaisir. Début 2023, on a décidé avec le coach (NDLR il est entraîné par Christophe Malardé) de faire l’impasse sur la saison de cross et de se focaliser sur une saison 100% trail. Nous avons donc débuté l’année en préparant un trail court sur le 59km-1500d+ du trail du Glazig, une classique en Bretagne. Un circuit joueur alternant portion GR et sous-bois, entre terre et mer. Parfait afin de travailler les bases de vitesses et changement d’allure. Préparation qui s’est conclue par une belle victoire, parfait pour le moral et conclure un bon début de saison. J’ai par la suite effectué un stage d’1mois à Millau, car c’est le terrain qui se rapprochait le plus de celui de la Croatie. Mon pari a été gagnant ! »

Gagner en confiance. Valider un cycle d’entraînement de vitesse. Ajuster sa nutrition…Ces coureurs ont fait le choix de programmer des courses en tout début de saison en vue des mondiaux qui auront lieu en Juin, ou encore en vue de l’UTMB. Même si ces performances leur permettent d’être plus serein, ils savent que la saison est très longue, et qu’il va falloir gérer sur la durée.

Quelles méthodes pour tenir la distance ?

« Monter en puissance progressivement en s’entraînant intelligemment » ; tout jeune dans la discipline, Théo a une réflexion qui laisse présager de belles années à venir : « Pour moi le plus important est de réussir à être régulier tout au long de l’année. Monter en puissance progressivement en s’entraînant intelligemment. Réussir à bien cibler ses objectifs permettant l’organisation des blocs d’entraînement à effectuer. Savoir écouter son corps, c’est la clef, et quand tout est bien organisé il n’y a plus qu’à appliquer le plan. Le but premier est de ne pas trop se fatiguer en début de saison afin d’éviter de se « cramer ». Les formats 80km-110km restent cassant pour l’organisme. Je trouve donc important de bien respecter les moments de récupération, même si ce n’est pas le plus facile ».


« Prendre le départ de l’UTMB aux côtés de mon père ». Pour Manon, le chemin de l’apprentissage est encore long, et elle aura  à cœur de ne pas passer à côté de son UTMB cette année : « il y a une chose à laquelle je pense chaque jour depuis fin août l’année dernière c’est bien l’ UTMB ; sportivement cette course m’a chamboulé. J’espère surtout que mon père pourra s’y qualifier car prendre le départ avec lui c’est un rêve qui se réalisera! Comme je l’ai dit, il reste encore pas mal de paramètres à soigner, à peaufiner et encore beaucoup de choses à apprendre côté récupération, gestion des émotions, nutrition, …etc. Le début de saison a été bon mais je sais qu’il y aura des phases plus compliquées, des courses qui ne se passent pas comme prévu alors…rien n’est acquis et il y a encore du travail et beaucoup de marge de manœuvre pour que j’atteigne mon meilleur niveau. »

Manon Bohard
Manon Bohard

Blandine L’Hirondel, assez « jeune » dans la discipline, estime « ne pas faire partie des coureurs qui bornent beaucoup. Je préfère faire la sortie de moins que la sortie de trop. La saison va être longue, je m’accorde de bonnes périodes de récupération, des semaines de randonnée qui me permettent de faire du volume sans grosse charge d’entraînement. Ce n’est peut être pas la meilleure option pour être au summum de mon niveau lors des grands rendez-vous, mais cela me permet (je touche du bois) de rester en forme toute l’année ».

Quant à Arthur Joyeux-Bouillon, il attribue toute sa confiance à son entraîneur pour ajuster les volumes d’entraînement à l’année : « Depuis 2018 je commence ma saison d’ultra trail en Avril avec le MIUT à Madère. Cette année, elle a commencé 2 mois avant, aux Canaries. C’est une chose qui est prise en compte dans ma planification annuelle, je fais entièrement confiance à mon entraîneur Eric Lacroix pour ajuster les volumes sur l’année. On adapte chaque semaine mes entraînements en fonction de mon ressenti. On a prévu d’arriver sur l’UTMB en pleine forme pour ensuite prendre le temps de récupérer de cette longue saison. »

Un début de saison qui met en confiance à un mois des championnats du Monde de trail qui auront lieu à Innsbruck en Juin prochain. Avec aussi en ligne de mire pour beaucoup l’UTMB fin août. Une saison prometteuse et palpitante en perspective ! La forme physique et les motivations sont au maximum pour nos coureurs, pourvu que ça dure !

avril, 2024

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