Le conte de fée de Christel Dewalle

Qui aurait pu miser un kopeck sur Christel Dewalle, cette jeune fille frêle et timide, accourue de nulle part, inconnue des pelotons, auteur d’un parcours extraordinaire digne d’un conte de fée, entamé le 22 mai 2011 par une retentissante victoire sur l’édition princeps de l’Ultra-Tour du Môle ??
Pas grand monde à vrai dire, personne en réalité, tant la Haut-Savoyarde renverse tout sur son passage, coupant l’herbe sous le pied non seulement à ses rivales les plus aguerries mais encore à la plupart des garçons.
Son premier théâtre d’opérations ? Le kilomètre vertical. Bien que sa notoriété n’ait pas encore dépassé le cadre des Pays de Savoie, elle en est devenue l’un des porte-étendards internationaux après son triomphe, le 11 juillet dernier à Manigod, sur le Championnat de France skyrunning.
39min51s lui auront en effet suffi pour avaler ce mur, situé au cœur des Aravis, qui pourtant, avec ses 3,4km de long, ne figure pas parmi les plus rapides du circuit.?Christel est également à son avantage sur le trail courte distance, où elle ne laisse que des miettes à ses concurrentes, bien que ses prestations-là demandent confirmation auprès de l’élite nationale. Enfin, elle s’essaye avec bonheur dans les aventures au long cours même si la fragilité de son dos lui interdit d’en croquer à profusion. Le 31 août prochain, elle ne s’en sera pas moins présente sur la CCC. Ca promet !

L’existence de Christel Dewalle est avant tout marquée par son attachement viscéral à la montagne, lui vouant ainsi un caractère quasi-religieux. Raison pour laquelle cette femme au foyer décide le 13 septembre 2010 de repartir à l’assaut des cimes, mettant à profit la nouvelle scolarité à la journée de sa seconde fille née en 2006.

=> « Le Fuji-Yama » du Faucigny dans son viseur
Comme objectif principal, elle s’assigne l’un des sommets symbolisant dans toute sa splendeur la Haute-Savoie. En dépit de son altitude modeste (1863m), on le remarque en effet de très loin tant il se détache et s’individualise à l’excès. Repérable encore par sa prestance, une fine et esthétique pyramide en l’occurrence, qui n’est pas sans évoquer, surtout quand il enfile son manteau blanc, le Fuji-Yama, ce volcan cher au coeur des Japonnais, toit de l’Archipel nippon avec ses 3776m. En franchissant le Col d’Evires depuis Annecy, c’est lui qui saute soudainement à nos mirettes. En musardant dans les rues de la cité de Calvin, c’est encore lui qui barre l’horizon entre Voirons et Salève.?Authentique cerbère du Faucigny, s’immisçant avec fracas entre Vallée de l’Arve au sud et celle du Giffre au nord, le Môle, puisque c’est de lui qu’il s’agit, ne cesse de hanter la vie de Christel Dewalle dont le domicile à Cornier, village de 1200 âmes à une petite lieue de la Roche-sur-Foron, est placé sous son ombre tutélaire.
En cet été 2010 expirant, la Faucignerande piaffe d’impatience pour être enfin son hôte quotidien, tout au moins cinq jours par semaine. Reste à dégoter le parcours qu’elle veut immuable. Ce sera celui des Gallinons, du nom du hameau qui surplombe Ayze, à deux pas de Bonneville, induisant quelques 1160m de dénivelée positive sur 6km. En somme, une véritable montée sèche.
Pour parer à toute lassitude, elle s’évertuera à assaillir et conquérir d’autres forteresses emblématiques, à savoir celles du Massif des Bornes qui surplombent, à l’image du Môle, sa proche demeure. Sous Dine (2004m) et Sur Cou (1809m), accusant un différentiel ascensionnel respectivement de 910 et 630m, n’auront ainsi plus aucun secret pour elle.

=> En mode randonnée
Au départ, il n’est pas question de cavaler mais juste de marcher et d’embrasser les panoramas à 180°. D’autant plus que sa flamme pour la montagne qui lui avait tant manqué pour pouvoir élever ses rejetons n’est pas l’unique motif pour arpenter les abrupts versants forestiers de la Basse Vallée de l’Arve. Ayant deux disques tassés engendrant une sciatique continue, elle privilégie sur le conseil de son médecin la randonnée en altitude.?In fine, ces incursions sur le relief seront caractérisées par un énorme volume de dénivelée positive, Christel ingurgitant ainsi par semaine quelques 6000m si on excepte l’hiver où elle réduit sensiblement la voilure.?Progressivement, elle va accélérer l’allure mais uniquement par pur plaisir, étant totalement étrangère à ce moment-là à l’idée de compétition. Ce qu’elle ignore alors, c’est que ces dizaines d’escapades aussi échevelées les unes que les autres seront directement à la base de son actuel et éloquent palmarès, en particulier sur kilomètre vertical.

=> Premier dossard en course nature
C’est en traversant le village de Bovère lors d’une énième ascension du Môle, qu’une affiche retient son attention, dévoilant l’imminence d’un trail qui boucle le tour de sa montagne fétiche. L’occasion est trop belle pour la laisser passer. Sans l’once d’une hésitation, elle paraphe son engagement pour cet inédit Ultra-Tour du Môle prévu le 22 mai 2011 à travers 33km et 3000m de dénivelée.?Le jour J, alors que certains athlètes au look affriolant ne pensent qu’à parader, la Corniérande ne passe pas non plus inaperçue. Mais la cause est toute autre. La néophyte tient en effet à préserver son identité, celle d’une classique randonneuse lestée d’un encombrant sac à dos aux antipodes du camel-back ou du porte-gourdes.
La finalité n’est pas la performance, Christel n’ayant d’ailleurs aucun repère. En vérité, il s’agit de s’éclater au sein d’une kyrielle de paysages qu’elle ne peut naturellement entrevoir lors de ses rituelles et identiques montées sèches.?Explorant le trail avec les oripeaux mais également l’âme d’une randonneuse, elle n’en touchera pas moins le jackpot, avec à la clef une 22ème place au scratch sur 130 partants. Cette divine surprise, elle la suscitera en se débarrassant d’adversaires rompus à ce type d’exercice à l’instar d’Isabelle Velarde, 2ème à 9’19, ou Rachel Bontaz, 3ème à 12’49. En attendant la remise des prix, l’impétrante, intimidée au milieu de concurrents qui lui étaient inconnus, retournera dans le seul jardin qui lui sied si bien : le Môle, allant ainsi à la rencontre de son compagnon Geoffrey qu’elle accompagnera et exhortera à conclure son odyssée.

=> L’apothéose du 11 juillet 2012
C’est sur les kilomètres verticaux qu’elle parviendra à son acmé. 2011 la verra décrocher la timbale au Môle (45’50 sur 4km) puis à Nantaux (43’06 sur 2,2km). Cerise sur le gâteau, elle se classera sur le mythique parcours de Fully (Suisse), le must en la matière (1,9km), 5ème et 1ère Française en 40’09, soit le 3ème temps d’une Hexagonale sur cette manifestation.?
Mais ce n’était rien au regard de ce qui allait suivre cette saison. Après avoir pulvérisé de près de 4’ sa marque personnelle sur le Môle (41’53, avec une 7ème position au général), elle glanera le 11 juillet le titre de Championne de France de skyrunning, la 2ème manche du Manigod Scott Challenge tombant dans son escarcelle. Et de quelle manière s’il vous plaît, puisqu’elle terminera 14ème dans le prodigieux chrono de 39’51, qui plus est sur un parcours de 3,4km qui n’incite pas au coup d’éclat.
Même si aucun des kilomètres verticaux ne s’apparente à un autre tant les distances et profils proposés sont disparates, on peut affirmer sans ambages que la Haut-Savoyarde a d’ores et déjà rallié le gotha international de cette atypique discipline. Fin connaisseur de l’élite de la course nature, Jean-Louis Bal ne dit pas autre chose : « Etant donné le parcours manigodin inadéquat au record mondial, son temps est tout simplement exceptionnel, Christel se positionnant d’emblée parmi et peut être même devant les meilleures spécialistes du kilomètre vertical. » Et l’entraîneur favergien de renchérir : « En effet, ce chrono est de très loin supérieur aux prestations intervenues concomitamment en Europe sur des tracés ayant peu ou prou une longueur analogue. Je pense ainsi aux 45’26 de l’Italienne Antonella Confortola le 29 juin à Chamonix (3,4km) ; aux 43’59 de l’Espagnole Oihana Kortazar aux Skygames atteints le 30 juin dans son pays (3km) ; ou encore aux 40’31 d’une autre Transalpine en la personne de Renate Rungger, survenus le 15 juillet à Chiavenna-Lagunc en Italie (3,3km). »
Surtout, ayons à l’esprit l’importance de sa marge de progression, n’ayant en tout et pour tout que quatorze mois de pratique. En outre, elle s’entraîne aujourd’hui beaucoup moins, éprouvant de sérieuses difficultés à chasser ses ennuis de santé.

=> A l’épreuve de la gent masculin
Concernant le trail courte distance, il voit Christel préempter invariablement la plus haute marche du podium. A la différence près, et elle est de taille par rapport à ses qualités de verticalrunner, c’est qu’elle n’a pas eu à affronter de réelle concurrence à l’exception cependant du 42km de l’Aravis Trail, le 16 juin dernier, où 27 microscopiques secondes la séparèrent de sa dauphine, la redoutable Aixoise Laureline Gaussens. Ses faits d’armes demandent donc confirmation en présence de pelotons autrement densifiés et élitaires.?N’empêche, ses classements scratch sortent de l’ordinaire, intégrant ou s’approchant cette saison du top 5, taillant en conséquence des croupières à une flopée de garçons qui pourtant sont loin de jouer les faire-valoir : 6ème sur le 41km du Gypaète, 5ème sur le 42km de l’Aravis Trail, 4ème sur l’Incontournable, 8ème sur le 32km de l’Ice Trail Tarentaise. Aussi, ses résultats ne laissent poindre aucun doute sur l’étendue de son potentiel sur le format compris entre 30 et 42km.
Quant au long, elle n’a été observée jusqu’à maintenant qu’à deux reprises, en 2011 précisément, où elle a tenu honorablement son rang, étant reléguée dans les deux cas à une demi-heure environ de la lauréate sur une distance avoisinant les 50km : Courchevel X-Trail (3ème à 30’56 de Catherine Dubois), Aiguilles Rouges (4ème à 38’38 de Corinne Favre).?Et on en saura davantage sur son aptitude à l’ultra puisqu’elle s’envolera le 31 août prochain sur la CCC où son ambition sera d’abord de devenir finisheuse. De sa prestation, dépendra sa future participation sur l’UTMB et le Grand Raid de la Réunion. Le challenge s’annonce à haut risque, étant donné l’absence de sorties longues dans ses entraînements sans compter l’incertitude persistante autour de ses pathologies ( lombalgies récurrentes, phlébites…).

François Vanlaton

REPERES :

– Née le 3 juillet 1983 à Annemasse (Haute-Savoie).
– 1m65 pour 46-47kg.
– Mariée avec Geoffrey (32 ans) ; deux filles, Océane (9 ans) et Alexia (6 ans).
– Femme au foyer.
– Sociétaire du team Sport 2000 Pays Rochois à compter de mars 2012.

mars, 2024

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