Interview Antoine Guillon 1/2

Qui ne connait pas Antoine Guillon, le « métronome », un surnom qui lui colle à la peau tant il est précis dans ses estimations de temps de passage sur les courses.
Ce phénomène de balancier de l’instrument de musique représente aussi l’équilibre qu’il a trouvé entre sa vie de famille, le sport, l’écriture et sa nouvelle vie d’agriculteur….en Grèce.

Cet ancien apnéiste devenu trailer était aussi agent immobilier avant de faire de l’huile d’olive.
Calme, posé, méticuleux, toujours optimiste et souriant, il sait aussi consacrer du temps aux autres et s’est créé au fil des années une communauté autour du trail.

Rencontre avec Antoine Guillon, le globetrailer quinquagénaire, à l’occasion de son arrivée dans le Team Kinétik*, cet épicurien contemplastiste a l’un des plus beaux palmarès de l’Ultra trail avec notamment un succès à La Réunion, la victoire sur l’Ultra Trail World Tour et plus de 30 succès partout dans le monde.

Suite de l’interview ICI

1/ Peux-tu nous expliquer ta nouvelle vie et l’activité que vous mettez en place avec Anne ? Pourquoi avoir choisi la Grèce plus que La Réunion, une île que vous aimez.

Depuis mon enfance je séjourne en Grèce chaque année quelques semaines ; un pays que nous affectionnons particulièrement Anne et moi, celui-là même où nous sommes rencontrés quand nous avions 16 et 18 ans. Le sud du Péloponnèse est notre coin préféré, et c’est là que nous avons acheté une oliveraie en friche d’un bon hectare, à moins d’un kilomètre de la mer, face au mont Taygète (2500m d’altitude). D’ici deux ans nous aurons fait construire une petite maison qui deviendra peut-être notre résidence principale.

Les 210 oliviers ont pour la plupart 70 ans et demandent beaucoup de soin pour reprendre du poil de la bête après une quinzaine d’années sans entretien sérieux. Le challenge est intéressant : passer des 200 litres d’huile actuels à plus d’une tonne dans deux ans, et parler correctement la langue ! Nous développerons un réseau de vente de cette huile exceptionnelle (variété Koronéiki).

L’environnement est extrêmement paisible, sans circulation, ce qui rend les sorties en vélo agréables. Le relief est prononcé. Pour 100 km je totalise 1500m+.

J’aime la Réunion bien sûr, mais je n’imagine pas y vivre, entre le bruit permanent, la circulation, la mer dangereuse, le coût de la vie et l’éloignement de la France.

2/ Vous avez quitté la France, vous vivez dans une tente, c’est un choix de vie original dans ce contexte Covid. Comment envisagez-vous l’année 2021, toi qui vis aussi des courses et des sponsors ?

Oui, en 2020 nous avons passé 3 mois entre juin et septembre sous la tente, puis de nouveau à partir du 10 octobre jusqu’à mi-décembre. Depuis, nous sommes dans l’appartement de mes parents dans un village voisin où ils passent leur retraite, non qu’il fasse froid, mais les bourrasques de l’hiver auraient arraché le barnum et la tente qu’il abritait.

La vie sous la tente de façon prolongée est une expérience que je trouve formidablement enrichissante. La proximité de la nature est un bain de jouvence. Ce n’est pas toujours sans risque, je me suis fait piquer par un scorpion lors de la douche spartiate, mais c’est un apprentissage que j’accepte.

La nuit est animée du chant des chacals, des chouettes et de tout un tas d’insectes. Le ciel étoilé est un spectacle que nous ne manquons jamais d’observer.

Nous cherchions l’eau à une fontaine et rechargions nos frontales, la lampe et l’ordi au solaire. A deux pas de la mer, je peux pratiquer l’apnée plus souvent qu’en France, l’occasion aussi de ramener le poisson pour les repas.

Cette façon de vivre est très simple. Le sentiment de liberté est celui que nous souhaitions trouver, en opposition complète aux règles liberticides imposées un peu partout à cause du virus. Du matin au soir, nous sommes complètement occupés par la remise en état de l’oliveraie, les entraînements, les rencontres avec des Grecs, apprendre la langue et écrire.

2021 est déjà lancée, et nul besoin de consulter Nostradamus pour comprendre que nous ne sommes pas sortis de la taverna (l’auberge:-))

Du coup, je ne me focalise pas sur des objectifs précis, bien que j’aie établi un calendrier, mais je m’attache à construire une saison de sorties variées, avec des micro objectifs personnels, comme des virées en vélo, des cumuls de D+, des tours de nomes (départements grecs). Je vais potasser sur des défis pour l’équipe, pas pour établir une perf’ sur un parcours que tout le monde ou presque aura oublié la semaine suivante, mais dans un but pédagogique, et donc pour redonner le peps à tous ceux qui pédalent dans la semoule en ce moment, et je comprends qu’il y a de quoi.
J’ose tout de même espérer participer à ma 14e Diagonale des Fous cette année, et tenter une marque sur 24h si les championnats de France sont maintenus. « Il est temps de passer aux choses sérieuses » m’a-t-on dit il y a peu, une réflexion somme toute pas idiote !

Il est important pour mes sponsors que je sois présent sur la scène, et je n’ai pas changé ;  dès que l’occasion se présentera, je serai au départ d’un ultra, et si elle tarde trop à venir, alors je la solliciterai. Je ne suis pas inquiet pour cela, et mes partenaires le savent.

3/ Tu intègres un nouveau team pour 2021 après les expériences chez Hoka, Raidlight et Lafuma. Quel sera ton rôle au sein de ce team, est-ce ta dernière expérience Team comme certain sportif le fond en fin de carrière ?

Mon parcours au sein des teams s’est toujours construit autour de l’amitié. 7 ans chez Lafuma, une équipe qui a marqué les esprits avec de grands noms du trail comme Christophe Jacquerod, Karine Herry, Corinne Favre, Lionel Trivel, Pascal Blanc, Renaud Rouanet et bien d’autres. Rigolade et performance, hétérogénéité, complémentarité, c’est ce qui me plaît, ça génère de l’enthousiasme, ça véhicule de l’énergie, ça décuple vraiment les forces.

Ainsi quand Lafuma a cessé le team trail en 2012 j’ai continué avec des amis chez Hoka (avec qui je continue pour la qualité des chaussures), puis chez l’équipementier WAA durant deux ans avec le trio Christophe le Saux, Cyril Cointre et Vincent Delebarre ; deux années folles avant que la marque ne change d’orientation avec son team.

Ensuite, en 2016, j’ai suivi mon ami Christophe le Saux dans le Team Raidlight tout en créant l’équipe Globetrailers-Unifer avec Philippe Rocher. 4 ans plus tard Raidlight était vendu à Rossignol.

A ce moment, c’est la seule fois où j’ai demandé à entrer dans une équipe, en sollicitant Hoka pour porter également leur équipement. Ce team est grand, avec des athlètes de plusieurs pays, et j’avoue que je préfère la proximité des uns et des autres, raison pour laquelle j’ai été très touché par la proposition de Cédric Chavet d’intégrer le team Kinétik pour sa création.

Cédric et moi nous connaissons depuis 2012 tandis que nous gagnions ensemble et avec Patrick Bohard la Transmartinique. Il vient sur chacun de mes stages ou pour quelques jours dans le Caroux pour réaliser des blocs. Nous avons partagé des ultras en entier, voyagé à maintes reprises ensemble ; on peut dire que nous nous connaissons bien. Ce projet est né en cours d’année, avec leurs concepteurs Jean-Marie Loirat et Clothilde Fustier. Jean-Marie n’a pas froid aux yeux, c’est un navigateur qui compte la route du Rhum à son actif, et l’écouter raconter son ultra à lui est passionnant. Nous avons à apprendre les uns des autres.

Il a monté l’entreprise Kinetik Adrenalink où il a conçu une gamme déjà bien pourvue avec un chouette design et testée entre autres par Cédric depuis un bout de temps. Ce que j’ai déjà pu utiliser en Grèce est prometteur. D’ailleurs, tout au long de ma carrière de trailer, je n’ai jamais vanté les mérites d’un matériel qui ne me satisfaisait pas ; c’est contre ma nature. Je suis assez exigeant, cela se sait. Le perfectionnisme d’un grand navigateur me rassure, et même si nous ne monterons pas sur le même bateau (je ne tiens pas 5 minutes sans être malade:-)) je suis heureux d’embarquer dans la même aventure.

Cédric endosse le rôle de team manager. Il a composé l’équipe, qui comprend également Renaud Rouanet, Marie Lamblin et Robin Faricier. Je crois ne pas me tromper en disant que Renaud et moi n’avons pas laissé plus de trois semaines sans nous appeler, depuis 2005 ! J’aurai bientôt l’occasion de faire plus ample connaissance avec Marie et le jeune Robin.

Personnellement, j’apporterai mon expertise sur le matériel tout en concoctant des événements comme j’aime à le faire, et j’animerai une plateforme de conseils. Le côté pédagogique est important pour moi. Nous sommes au coeur d’une discipline assez récente, en essor permanent, qui dépasse l’activité physique, qui peut autant agir favorablement sur l’individu que comme un perturbateur profond. Il y a une dimension humaine englobant l’équilibre psychologique, physiologique et alimentaire, et une autre parfaitement inhumaine pour le commun des mortels, résultat des organismes soumis à de rudes extrêmes, ce qui ne veut pas dire que ce soit négatif, mais qu’il s’agit de rester sur ses gardes. C’est pourquoi je partagerai volontiers mes 18 années d’expériences d’ultra endurance comme je n’ai pas hésité à le faire avec mes livres.

Il s’agira peut-être d’une dernière expérience si elle dure très très longtemps, car j’espère bien n’en être qu’à la moitié de ma pratique de la course à pied, sachant que j’ai commencé à 12 ans.
Alors très longue vie à Kinétik !

Suite de l’interview ICI

Team Kinétik* 2021 : Antoine Guillon (50 ans), Cédric Chavet (45 ans), Robin Faricier (23 ans), Renaud Rouanet (43 ans), Marie Lamblin (30 ans).

Par Fred Bousseau – ©Fred Bousseau – Antoine Guillon et JB Roubinet.

Antoine Guillon - Grèce 2021

mars, 2024

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